Ma curiosité fut attirée lorsque j’ai appris, il y a plusieurs années, que dans les montagnes du sud-est de la province du Guizhou vivait une branche de l’ethnie Miao qui porte depuis plus de 500 ans des jupes courtes. C’est donc en janvier 2004 que notre petit groupe s’est mis en route pour aller visiter les villages de Langdong, Kongshen et Konglie dans le district de Rongjiang pour élucider le mystère de cette tradition vestimentaire.
Le départ de Guiyang, capitale du Guizhou, a été fixé à 8 heures du soir un vendredi. Après une nuit de route, nous nous sommes retrouvés dans un vieux village appelé Kongshen situé dans les profondeurs des montagnes. Malgré l’isolement du village, nous nous sommes aperçus à notre étonnement que le village n’était pas loin du monde moderne comme en témoignaient les citations de Mao Zedong et les slogans en faveur du planning familial peints sur les murs des maisons.
C’est avec beaucoup de chaleur que des villageois nous ont accueillis dans leur maison de bois centenaire peinte avec du noir de fumée. Malgré les difficultés de communication au début de la conversation car la plupart des Miao de 300 ans ne savent pas parler mandarin, l’arrivée de leur fille, élève à l’école secondaire du district, nous a permis d’apprendre beaucoup sur l’histoire de l’ethnie Miao. La famille très hospitalière nous a servi un repas de poisson fumé et d’alcool de riz, réservant les meilleurs parts à leurs invités.
Le poisson fumé avait un goût étrange à la fois amer et épicé, laissant un goût prolongé. Ce plat tire son origine d’une légende qui raconte qu’autrefois, une jeune fille Miao avait découvert un ban de poisson dans le champ qu’elle cultivait. Après avoir essayé de les attraper sans succès, la jeune fille s’était retrouvée couverte de boue. Un jeune homme qui passait par–là avait alors plongé son panier de bambou dans l’eau et attrapé un poisson pour la jeune fille. Puis il l’avait salué et avait repris son chemin tandis que la fille s’en retournait chez elle. Ne pouvant oublier le jeune homme, elle décida de fumer le poisson dans une jarre espérant pouvoir servir un jour ce plat à l’homme de ses rêves. Un jour de l’année suivante, le jeune homme fut amené à repasser par–là et rencontra de nouveau la jeune fille qui l’invita à déjeuner. Appréciant le poisson fumé, l’homme la complimenta sur ses talents culinaires. Ils tombèrent amoureux peu de temps après et se marièrent. Depuis, le poisson fumé est devenu un plat traditionnel des Miao.
Outre la nourriture, ces derniers attachent beaucoup d’importance aux vêtements. Les femmes portent toute l’année des jupes au–dessus des genoux. La particularité de ce vêtement remonte à plus de 600 ans et a donné à cette ethnie le surnom de Miao à jupes courtes. Elle compte une population de plus de 5000 personnes dans le sud–est du Guizhou, avec une large majorité dans les villages de Langdong, Kongshen et Konglie ou dans la zone de Datang dans le district de Leishan. Leurs costumes colorés arborent des ornements locaux très typiques. Les hauts sont superbement rehaussés de broderies à la main et d’ornements en argent en forme de dragon, de phénix, de poisson, d’oiseaux ou autre bêtes. Les jupes dont la bordure inférieure fait seulement un peu plus de 10 cm sont tricotées à la main. Historiquement, on raconte que ces jupes avaient été conçues telles quelles pour leur aspect pratique au labour. Aujourd’hui cependant, ces costumes font partie du folklore exploité à des fins touristiques. Les femmes nous ont montré les procédés de confection des jupes. Elles choisissent d’abord plusieurs pièces de tissu qu’elles brodent d’emblèmes divers puis les assemblent pour former un vêtement. Parfois, elles apposent sur les différentes parties du vêtement des pièces ornementales qu’elles ont déjà préparé. Les costumes sont larges, épais et solides et se composent en général de trois pièces superposées. Un costume pour les festivals et les grandes occasions nécessite plusieurs années de réalisation.
Le village se trouve loin de tout et les montagnes ne leur permettent pas d’accéder aux dernières tendances de la mode. Pourtant, même les sommités de la mode ne peuvent s’empêcher d’être saisis d’admiration devant ces costumes brodés qui n’ont rien à envier aux vêtements de la haute–couture.
Pour les Miao, le festival du Jour de l’an est le plus important de l’année, mais ils fêtent également la Fête du printemps des Han pendant laquelle ils organisent de nombreux combats de bœufs et de coqs ou des danses au son de pipeaux de roseau. Lors de notre séjour dans le village, nous avons été étonnés par l’hospitalité des Miao. Lorsqu’un invité de marque arrive dans le village, la famille d’accueil, suivie du frère de l’hôte et des voisins, le reçoivent avec un grand banquet. Outre le poisson fumé, le banquet comprends du poulet, du canard, du poisson frais, du porc, des auricularias, des champignons, du tofu, des jeunes pousses de soja, des légumes marinés et des saucisses. Portant toast après toast, les Miao égayés par le vin local se mettent à chanter des chansons pour mettre de l’ambiance.
Les Miao habitent principalement la province du Guizhou mais on trouve aussi cette ethnie dans le Hunan, le Sichuan, le Yunnan, le Hubei, la province du Hainan et la région autonome Zhuang du Guangxi. Aujourd’hui, c’est devenu un groupe ethnique international car de nombreux membres résident à l’étranger : Thaïlande, Laos, Vietnam, France, Allemagne, Grande–Bretagne, Canada, Argentine, Australie ou Etats–Unis.