Qian Men Qian Men, en chinois la « porte du midi », est l'un des derniers tronçons de l'ancienne muraille qui s'élevait dans Pékin intra muros séparant la ville impériale (dite ville tartare) de la ville chinoise. Une sorte de frontière entre le Pékin des empereurs et le petit peuple. Le quartier qui s'organisait tout autour de la porte était un concentré brut de culture pékinoise, un genre de Médina où le temps ne compte pas. La rue principale de Dazhalan devenue un peu vétuste faute de rénovation gardait malgré tout une certaine magie : les pièces de soie uniques, les marchés de nuit, les plats typiques mais aussi les spectacles de rue et le fameux théâtre Guanghelou où se produisait le grand maître Mei Lanfang constituaient les derniers témoignages d'une grandeur passée. Dans les années 40, on y croisait Luxun et autres hommes de lettres. C'était tout un monde hétéroclite qui se retrouvait à QianMen et en faisait un des pôles principaux de la vie pékinoise.
Derrière les palissades
Aujourd'hui en se hissant au-dessus des palissades, on devine que les JO ont accéléré le destin de QianMen, propulsant littéralement le quartier dans une machine à remonter le temps. ?Le résultat ressemble à une carte postale colorisée estampillée « zone de protection du patrimoine historique et culturel ».
Ici point de réhabilitation des bâtiments anciens, la municipalité (et les promoteurs immobiliers) ont préféré raser les anciens quartiers en indemnisant sommairement les riverains. On a reconstruit à l'identique, dans le style coloré des Qing, remis en service les tramways du début du XXe siècle (clou de l'opération) mais il faudra du temps pour retrouver l'inimitable patine qui faisait le charme du quartier.
Une chine reconstituée
Inutile de pleurer sur le « vrai vieux QianMen » le nouveau Qianmen sera sans aucun doute une réussite pour la Chine, que cela plaise ou non aux nostalgiques occidentaux ! Depuis les années 80 et sa fièvre bâtisseuse, on a pu remarquer, voire déplorer que le culte de la mémoire en Chine ne s'exprime pas avec la même déférence qu'en Europe. Il s'agit davantage de réhabiliter l'ancien pour le rendre économiquement viable et attractif pour les touristes (les visiteurs chinois sont les plus nombreux). Le but de la manœuvre est de faire de QianMen et de la rue Dazhalan un nouveau district dédié au shopping en créant une « marque internationale » comme les jeunes aiment le répéter ici quand ils parlent de produits ou de patrimoine.
C'est seulement après les Jeux Olympiques que les pékinois découvriront le nouveau Qianmen, le chantier ayant apparemment pris du retard. Quand le rideau se lèvera, ils trouveront une zone piétonne avec près de 300 boutiques, dont des grandes marques internationales ; on y verra aussi les vieilles enseignes qui ont fait la réputation de la rue Dazhalan : « Neiliansheng » le spécialiste du chausson y occupait autrefois le numéro 34, « Majuyuan », le célèbre fabricant de chapeaux le numéro 36 et un peu plus loin, la fameuse pharmacie traditionnelle Tongren Tang. Quant aux amoureux du quartier, ils devront puiser dans leur mémoire pour restituer les airs d'opéra qu'on écoutait dans les années folles.