Train du Ciel, Pékin Lhassa à bord du train

Le Train du Ciel, Pékin Lhassa à bord du train le plus haut du Monde.

En voyageant sur les chemins du Monde vous pourrez monter dans le « Train des nuages », dans le « Train de la fin du Monde », dans le « Transsibérien », et depuis peu dans le « Train du Ciel » comme on l'appelle déjà.

Certains trouvent que c'est une réalisation extraordinaire d'autres le décrient à tout vent. Il faut tout d'abord admettre que ce qu'ont réalisé les chinois en construisant le train le plus haut du monde est une vrai merveille de volonté et de technologie. Les 1142 kms qui séparent Golmud ou Ge'ermu dans la province du Qinghai à Lhassa, la capitale du Tibet dont plus de 80% se situent au dessus de 4000m d'alti-tude sont une incroyable réussite. Quand, le 29 juin 2001 les forçats chinois don-naient le premier coup de pelle de cette incroyable aventure, peu de spécialistes croyaient en sa possible réalisation. Même des ingénieurs Suisses, dont les chinois avaient demandé la participation dès 1984, après l'achèvement de la première par-tie du projet reliant Xining à Golmud sur 814 kms, ces ingénieurs avaient jugé le projet irréalisable, devant traverser de grandes zones de Permafrost (sol gelé en permanence). Nous avons pu constater, en faisant le trajet en bus durant plus de 42 heures en automne 2002, l'ampleur de la tache qui les attendait. Alors qu'il neigeait, que notre bus était bloqué par des routes impraticables, qu'il faisait très froid, que nous avions de la peine à respirer, les ouvriers chinois pellaient, pio-chaient, creusaient, déplaçaient les montagnes pour faire passer le rail. On peut imaginer les ouvriers russes faisant de même pour faire, eux aussi, passée le train, le Transsibérien, à travers la Grande Sibérie

                                                                                                                    

Il aura fallu un peu plus de 4 ans pour que le 15 octobre 2005 le premier train de marchandises puisse circuler entre les deux provinces et encore un peu plus de 8 mois pour que le premier train de passagers n'emprunte ce parcours. A côté de ça, ce serpent de rail aurait pu être une catastrophe écologique pour la faune des hauts plateaux tibétains si les écologistes n'avaient pas fourré leur nez, et même plus que ça, pour faire réfléchir les ingénieurs et les décideurs qu'il n'y avait pas que prouesse technique dans le monde.Ils ont pu faire aménager de nombreux pass-ages pour les antilopes tibétaines et autres habitants des hauts plateaux afin de perturber le moins possible leurs migrations. Quand on entre dans le train à Pékin, il faut montrer patte blanche. D'abord vous aurez besoin d'un per¬mit qui s'btient auprès d'une agence de voyage ayant pignon sur rue à Lhassa ou auprès de l'agence d'Etat chinoise. Puis vous pourrez acheter votre tic¬ket en choisissant entre trois classes de confort : siège dure, couchette dure (compartiment non fermé de 6 lits) ou couchette molle (compartiment fermé de 4 lits). Dernière formalité avant d'entrer dans le train, un papier à remplir en confir-mant que vous connaissez les risques de monter à plus de 3000m et que vous l'avez déjà fait. Ce papier est uniquement en chinois pour le moment alors il faut bien se cramponner pour en comprendre la moindre phrase et arriver à le compléter. Voilà, on descend sur le quai et après que le steward ait contrôlé vos tickets vous pouvez entrer dans votre wagon. Nous avons opté pour les couchettes mol¬les pour le prix de 1262.- yuans, soit environ 200 francs suisses par personnes. Une musique douce et une agréable voie chinoise nous accueillent au haut-parleur du wagon alors que nous découvrons la beauté de celui-là. Des tapis partout, des couchettes bien larges, chacun sa télévision et son duvet, des lavabos, trois, en inox ainsi que deux toilettes. Vraiment, quel luxe ! C'est parti, 22h00 précise, le train quitte Pékin sous les au-revoirs des familles et amis venus sur le quai. 3 coups de sifflet annoncent le grand départ.

Nous sommes le 16 juillet et cela fait 15 jours que la ligne Pékin-Lhassa est ouverte. Le début de ce périple n'a rien d'exceptionnelle, nous suivons la ligne en direction de Xian sur la voie classique. Une première nuit bien calme et très agréable. 7h00 du matin, une douce musique et la charmante voie chinoise re¬prend ses quartiers. Pas question de dormir plus longtemps. Il est 7h00 et on se bouge dans ces com¬partiments. Ceci entraîne un bouchon aux toilettes alors que les lavabos sont déjà, eux aussi, bouchés par le manque de propreté des occupants chinois qui y ont versé tout et n'importe quoi depuis hier soir. 9h05 nous entrons en gare de Xian, très connu par l'armée enterrée de 3ème empereur de la dynastie des Mings. Pour le train c'est 15 minutes d'arrêt car l'horaire annonce un départ à 9h21 et il s'agit d'être à l'heure. Le réseau ferroviaire chinois est un des plus ponctuel du monde. Ça nous laisse tout de même le temps de descendre sur le quai et d'acheter quelques friandises aux stands provisoires qui ont envahi les lieux. La journée se passera dans le compartiment entre jeux, lecture et discussions. Au contraire du Transsibérien, ce nouveau train n'est pour le moment occupé que par des chinois avec qui la conversation n'est pas si facile. Ben oui, le chinois n'est pas une langue vraiment évidente à comprendre et à pratiquer. Qu'ÿcela ne tienne, les paysages défilant à la fenêtre de notre chambre de 2 mètres sur 2 sont variés et fort agréables. L'heure du dîner approche. La formation du train comporte 15 wa¬gons dont un wagon-restaurant bien agencé et agréable. De la carte prévue seul un menu nous est proposé. A Pékin nous avons pourtant testé la nourriture chinoise dans les rues des hutongs, les vieux quartiers de la ville mais là, dans le train, notre préférence se porte aux menus instantanés qu'l est possible d'acquérir au mini-bar qui passe de temps en temps dans les allées. Les paysages de cultures de maïs et de colza continuent à défiler aux fenêtres de notre compartiment alors que le train

longe le fleuve jaune et s'octroie un petite halte à Lanzhou avant d'atteindre Xining, capitale du Qing-hai d'où nous allons partir vers 19h10 pour une deuxième nuit de train. Comme la première, RAS, rien à signaler si ce n'est quelques bonnes ronflées qui attestent le confort de ces wagons.

Au contraire du Transsibérien, ici ce sont en grande partie des hommes qui veillent au bon fonctionnement du wagon. La sélection a été drastique et ils sont actuelle¬ment quelques 150 à travailler sur cette ligne. Nous avons tout de même aperçu quelques femmes. Déboucher les éviers, rebouchés 5 minutes plus tard, balayer le couloir, pas évident ce sont des tapis, contrôler que l'eau chaude soit bien chaude, ici pas besoin de faire du feu sous le Samovar (grand Thermos) pour chauffer l'eau, tout est électrique, Très important lors de l'arrêt en gare, fixer le numéro du wagon pour que les passagers retrouvent leur place au moment de repartir. Deuxième matin, 6h20, entrée en gare de Golmud ou Ge'ermu. C'est ici qu'il y a encore 15 jours le train de passagers s'arrêtait. C'est aussi ici que commençait la ga¬lère pour aller à Lhassa. 40 heures de bus sur des routes défoncées, dans le froid, assis sur des sièges inconfortables. Nous sommes déjà à 2600m d'altitude, il fait un peu plus froid et rien à acheter ce matin sur le quai si ce n'est quelques cartes posta¬les. A l'avant du train les mécaniciens s'activent. Il faut changer de locomotives, rajouter un wagon-force pour que la puissance soit suffisante pour monter à plus de 5000m en tirant une quinzaine de wagons et quelques 700 passagers. Ça y est, tout est prêt. Le train siffle 3 fois, le chef de gare agite son drapeau vert et le crissement des roues annonce le départ du convoi. Très rapidement nous atteignons les 4000m et un peu plus pour y rester tout le reste du trajet.

Afin que les passagers supportent de telles altitudes, les ingénieurs ont mis au point un système qui permet d'ajouter un peu d'oxygène dans la ventilation des wagons. De plus, chaque place est munie de prise permettant, au moyen d'un tuyau distri¬bué par le personnel, de respirer de l'oxygène si le besoin s'en fait ressentir. On voit passer quelques passagers se tenant la tête, sans doute des problèmes d'altitude. A l'extérieur les paysages sont grandioses. Ces hauts plateaux sont impressionnants et à l'horizon, les montagnes enneigées poussent à la rêverie. Tiens voilà des yacks et un peu plus loin quelques antilopes tibétaines brou¬tent paisiblement alors que le train continu à avancer inlassablement à une vitesse de croi¬sière d'environ 90km/h. Tout se passe pour le mieux en passant sur de nombreux ouvrages et en traversant de nombreux tunnels dont, bien sûr, le plus haut du monde à 4900m, autant de prouesses techniques à de pareille altitude.

Il est à peu près 15h00 quand nous atteignons le point culminant de la ligne le Thanggula Pass et ses 5072m . On y a construit un gare, perdue au milieu de nulle part, ici, à plus de 5000m. Bien entendu c'est la plus haute gare du monde mais le train ne s'y arrêtera pas et d'ailleurs s'y arrêtera t'il un jour si ce n'est lors de l'inau¬guration ? Y aura-t-il une fois un passager si ce n'est un yack regardant passer le train ?

Pour nous le voyage continue à travers ces immenses plateaux. Ci et là nous croi¬sons quelques ouvriers affairés aux finitions le long de la ligne. Ici des ouvriers ter¬minent un mur, là d'autres ramènent des plaques d'herbes déplacées lors de la construction. Ici d'autres construisent de petits murs de pierres pour aiguiller les ani-maux vers les passages aménagés. Les forçats de l'altitude, les ouvriers de l'extrême saluent le train, certainement fiers de leur travail, fiers d'avoir participé à cette extraordinaire réalisation.

Nous commençons à perdre de l'altitude, nous commençons à nous enfoncer dans la vallée, nous commençons à traverser plusieurs tunnels, nous commençons à traverser des villages puis ce sera un grand pont avec en toile de fond le Potala annonçant notre arrivée en gare de Lhassa. Il est 21h30 ce 18 août soit 47h30 après être parti de Pékin à 4561 kms d'ici. La gare de Lhassa est gigantesque. Pourquoi une gare aussi grande pour faire arri-ver 3 trains par jour car pour le moment ce sont 3 trains, un de Pékin, un de Chengdu et un de Xining qui débarquent cha-que jour environ 2000 personnes à Lhasssa. On peut vraiment craindre l'arrivée prochaine d'in-nombrables trains à Lhassa et le gigantisme des infras¬tructures, routes, places et arrêts de bus aux alentours de la gare ne sont pas là pour le démentir. Quel est le but de ce train ?

Après une semaine passée à Lhassa, après de nombreux échanges avec les tibétains on peut vraiment craindre pour ce peuple, pour cette culture extraordinaire. L'affut de touriste chinois et autres va t'il permettre à la culture tibétaine de survivre ? A part les problèmes d'altitude, la vie ici est facile. Il y a beaucoup de travail, le climat y est agréable, on y gagne facilement de l'argent. Ayant passés 15 jours à Lhassa il y a 4 ans, nous avons été surpris par l'essor de la ville nouvelle, la ville chinoise et comme le disait ce tibé-tain, ici, sur la grande place devant le Potala, alors que les jets d'eau et les balais de lumière de toutes les couleurs éclairaient la nuit tibétaine : « Tu Vois, si on rase le Potala, on se croirait à Pékin ». Ces paroles ne sont pas pour nous rassurer. Que peut-on faire si ce n'est témoigner de ce que l'on a vu ? Et que peux apporter un témoignage si ce n'est une réflexion de l'occident pour que nos chefs d'état arrêtent de dire oui et amen au nom du Dieu Business ? On peut toujours rêver ! Ce train est une véritable merveille de technologie et surtout un incroyable défi de tous ces ouvriers anonymes. Mais en avait-on besoin ?|